Indemnisation par la CRCI pour un accident médical non fautif
La loi dite “Kouchner” de 2002 a révolutionné la prise en charge de ce que l’on a alors appelé “l’aléa thérapeutique”, depuis renommé “accident médical non fautif”. Cette loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a entre autres dispositions établi le droit à indemnisation des victimes d’accident médical dit “non fautif”, c’est-à-dire un événement dont les conséquences tragiques auraient pu être évitées sans qu’il soit possible pour autant d’établir qu’une faute a été commise. Grâce à cette législation, les victimes peuvent désormais solliciter une indemnisation de la CRCI (Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation), même en l'absence de faute avérée.
Dans cet article, nous allons tâcher de présenter les différentes situations des victimes d’accident médical au regard du droit : selon que l’on parle d’accident médical fautif ou non fautif, et selon la volonté de la victime en termes de justice et de réparation.
Victime d’accident médical non fautif : indemnisation et recours
Un accident médical non fautif désigne une issue dramatique liée à un acte ou à une intervention médicale, qui ne correspond pas à une détérioration prévisible de la condition de la personne à la suite de l’acte médical, mais qui ne résulte pas non plus d’une faute ou d’un manquement : on se situe dans l’essence même de l’origine latine du mot “accident”, à savoir le verbe “accidere” : “survenir”. L’accident, c’est ce qui survient de manière impromptue malgré toutes les précautions que l’on a pu prendre.
S’agissant de ce suejt, nous nous intéresserons ici à deux aspects, à savoir les recours pour l'indemnisation en cas d'accident non fautif d’une part, et les recours pour faire évoluer les pratiques d’autre part.
Accident médical et indemnisation
En reconnaissant la possibilité de survenue d’un accident sans faute directe du praticien ou de l’établissement médical, la loi Kouchner a également organisé les voies de recours pour indemnisation en cas d’accident médical : il s’agit des Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI). Le recours devant ces commissions vise, dans les situations d’accident médical, l’indemnisation des victimes à la hauteur du préjudice qu’elles ont subi. Il existe plusieurs choses à connaître au sujet de ces Commissions :
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Les conditions à remplir
Pour déposer un recours indemnisation de la CRCI, la victime d’accident médical doit pouvoir justifier d’un préjudice grave, à savoir 24% d’incapacité, un arrêt de travail d’au moins six mois consécutifs, ou des troubles graves dans les conditions d’existence.
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Les avantages du recours devant la CRCI
Les CRCI ont été mises en place par la loi de 2002 avec pour objectif de permettre à toutes les victimes d’accident médical d’obtenir rapidement, gratuitement et facilement une indemnisation : ce sont là les trois avantages - de taille - du recours devant la CRCI : il est rapide, avec un délai de traitement de six mois maximum ; il est simple, en ceci qu’il ne nécessite pas la présence d’un avocat ; et enfin l’expertise est gratuite.
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Les inconvénients des recours devant les CRCI
Nos longues années d’expérience en matière d’accompagnement des victimes d’accident médical non fautif vers l’indemnisation de leur préjudice nous ont enseigné que les CRCI souffraient d’un certain nombre de faiblesses. Celles-ci tiennent en premier lieu aux disparités régionales existant entre les différentes commissions régionales, qui créent un degré élevé d’incertitude et parfois de frustration à l’égard des jugements rendus. Mais il faut également citer les audiences parfois très rapides sinon tronquées, ou encore le fait que, même lorsque la commission reconnaît le préjudice lié à l’accident médical, l’indemnisation de la CRCI tarde à venir ou soit décevante au regard de ce qu’elle aurait pu être dans un tribunal de droit commun.
Ce sont les raisons pour lesquelles notre Cabinet accorde une attention extrême aux victimes d’accident médical qui sollicitent son expertise : nous pensons que tous les recours doivent être envisagés, en fonction de la situation de la victime et de son besoin de réparation.
Accident médical non fautif et indemnisation : les recours en droit commun
Le tribunal administratif, si le professionnel ou l’établissement impliqués dans l’accident médical relèvent du secteur public, ou le tribunal de grande instance, sont d’autres voies de recours en droit commun qui peuvent permettre une indemnisation des victimes. Chacune de ces arènes judiciaires souffre de ses propres faiblesses et bénéficie d’atouts profitables aux victimes. Les principaux freins sont la lenteur des procédures et les coûts liés aux expertises. En revanche, le tribunal administratif est souvent capable de prononcer des jurisprudences audacieuses, et le tribunal de grande instance (ou d’instance en cas de demande d’indemnisation inférieure à 10 000 euros) opère selon le principe de réparation intégrale du préjudice subi.
Accident médical et évolution des pratiques : les recours des victimes
Pour l’indemnisation, la CRCI va évaluer le préjudice subi par la victime d’un accident médical et de déterminer l’existence d’une faute pour désigner un responsable : s’il existe un fautif, c’est le fautif qui doit indemniser la victime, s’il n’en existe pas, c’est la solidarité nationale qui assure l’indemnisation en cas d’accident médical non fautif de la victime. Mais la CRCI ne remet aucunement en question les protocoles ou parcours de soin, pas plus qu’elle n’interroge les gestes ou pratiques médicales. Pour les victimes d’accident médical qui voudraient s’assurer que les circonstances dans lesquelles est survenu l’accident qui a brisé leur trajectoire ne soient plus jamais reproduites, les recours en droit commun ont beaucoup plus de chances d’aboutir à ces évolutions.
La responsabilité médicale pour faute - l’accident médical fautif
La responsabilité médicale pour faute recouvre l’ensemble des situations dans lesquelles un accident médical est survenu en raison d’une faute du praticien ou de l’établissement. Dans le cas où l’accident médical et le préjudice subi résultent d’une faute, les recours pour la victime ne sont pas exactement les mêmes que dans le cas de l’absence de faute. Là encore, il convient de tenir compte de la situation de la victime, et de son souhait en matière de réparation. Voyons tout de suite ce qui diffère de l’indemnisation par la CRCI d’un accident médical non fautif.
Accident médical fautif : obtenir l’indemnisation du préjudice
Pour obtenir l’indemnisation du préjudice qu’elle a subi, une victime d’accident médical fautif dispose des mêmes recours qu’une victime d’accident médical non fautif, mais il convient d’ajouter la possibilité qui s’offre à elle de tenter en premier lieu le recours amiable auprès du praticien ou de l’établissement impliqué pour demander une indemnisation par le biais de la police d’assurance. Il est généralement conseillé d’épuiser dans un premier temps ce recours avant d’entamer d’éventuels recours contentieux, mais il est encore plus conseillé de consulter d’abord un cabinet d’experts.
Responsabilité médicale pour faute : obtenir la sanction du praticien
Contrairement à l'indemnisation par la CRCI pour un accident médical non fautif, on est victime d’accident médical fautif, lorsque l’on estime que le praticien auteur de la faute mérite d’être sanctionné ou éloigné de l’exercice de sa fonction, les recours ne sont pas les mêmes que pour obtenir une indemnisation. Il convient en premier lieu dans ce cas de faire un signalement à l’Ordre dont relève le praticien, en vue de voir prononcer une éventuelle sanction à son encontre.
Enfin, si l’on estime avoir subi un préjudice personnel dans le cadre d’un acte relevant de l’infraction à la loi, la démarche consiste à porter plainte à l’encontre du professionnel incriminé, soit au commissariat de police soit en écrivant au procureur de la République.