La faute de la victime conductrice doit être appréciée in concreto, au regard des circonstances de fait
La Cour de Cassation vient préciser la manière dont doit être apprécié l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation.
Cet article dispose que la faute commise par le conducteur terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis.
La Cour de Cassation a déjà eu l’occasion de juger que, pour apprécier la faute du conducteur victime, le Juge du fond doit faire abstraction du comportement de l’autre conducteur.
Pour autant, les Juges du fond, afin de caractériser la faute de la victime, doivent bien se référer aux circonstances de fait entourant le comportement de cette dernière.
C’est ce que rappelle, bien à propos, la Cour de Cassation dans cet arrêt du 10 février 2022.
En l’espèce, le conducteur d’une moto-cross avait heurté un véhicule, avant d’être projeté dans le fossé.
Pour évaluer à 40 % le droit à indemnisation de cette victime, la Cour d’Appel avait relevé que, d’après les photographies prises par les services de gendarmerie, la largeur du chemin permettait aux véhicules de se croiser, et l’automobile, une fois immobilisée, était serrée sur la droite de la route.
Le conducteur de l’automobile avait par ailleurs indiqué que, lors du virage, il était au maximum sur sa droite et qu’il n’avait pas déplacé son véhicule après l’accident.
La Cour d’Appel en avait donc déduit que la victime circulait au milieu de la chaussée, de sorte qu’elle avait vu arriver trop tard le véhicule adverse.
La victime s’était pourvue en cassation, estimant que pour parvenir à cette conclusion, la Cour d’Appel n’avait pas fait abstraction du comportement de l’autre conducteur.
La Cour de Cassation rejette le pourvoi.
C’est dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve produits aux débats, que la Cour d’Appel, faisant abstraction du comportement du conducteur de l’automobile et ne considérant que la position de ce véhicule afin de déterminer celle de la moto de la victime, a retenu une faute de nature à réduire le droit à réparation de cette dernière.
Cette solution est logique. Si la faute de la victime doit être appréciée abstraction faite du comportement du véhicule adverse, encore faut-il que celle-ci soit analysée in concreto en fonction des circonstances de fait établies.
En pratique, le coup de volant donné par la victime conductrice peut être justifié par le fait de vouloir éviter la collision avec le véhicule adverse en position anormale sur la chaussée : dès lors, comment considérer que ce comportement est fautif ?
En pratique, il n’est pas rare, pour des assureurs, d’utiliser cette règle jurisprudentielle, pour tenter d’exclure complètement le droit à indemnisation de la victime.
Dans un dossier, nous avons vu une compagnie s’opposer à l’indemnisation d’un conducteur victime, percuté alors qu’il tournait à gauche, par un autre conducteur doublant à vitesse élevée et sur la voie en sens inverse, la file de véhicules sur laquelle se trouvait la victime !
Les juges ne s’y étaient pas trompés : au regard des circonstances de fait, on ne pouvait pas reprocher à ce conducteur victime un défaut d’attention à l’égard du chauffard.