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Vers la prise en considération du crédit d'impôt accordé dans le cadre de l'indemnisation de l'assistance par une tierce personne ?

 

Julien DEYRES

Avocat au Barreau de Lyon

 

Avant de statuer en appel, la Cour Administrative d’Appel de Nancy a décidé de soumettre à l’examen du Conseil d’Etat la question suivante :

« Le crédit d’impôt prévu par les dispositions de l’article 199 sexdecies du Code Général des Impôts doit-il être pris en considération - et, le cas échéant, selon quelles modalités – pour la détermination de l’indemnité due à la victime en réparation de son besoin d’assistance par une tierce personne ? »

Lorsqu’il est fait appel à une tierce personne rémunérée, que ce soit par le biais d’un emploi direct, ou en règlement d’une facture d’un prestataire, le Code Général des Impôts prévoit la possibilité de réduire à hauteur de 50 % des sommes versées, dans la limite de certains plafonds, les frais exposés.

Par principe, tant la Cour de Cassation que le Conseil d’Etat considèrent qu’il ne doit pas être tenu compte, pour le versement d’une indemnité, de son incidence fiscale.

Mais la question se posait surtout à propos de l’absence d’imposition au titre de l’impôt sur le revenu des sommes versées au titre des « Pertes de Gains Professionnels » en capital.

Dans cette affaire, le Conseil d’Etat se positionne plus précisément sur les fameux « crédits d’impôts ».

Dans un attendu de principe, le Conseil d’Etat indique : « qu’il appartient au Juge, lorsqu’il arrête le montant dû en réparation des frais d’assistance par tierce personne qui seront exposés postérieurement à sa décision, d’allouer une indemnité permettant de prendre en charge le besoin d’assistance de la victime, sans qu’il y ait lieu d’opérer de déduction au titre du crédit d’impôt, que celle-ci ait recours à une assistance salariée ou à un membre de sa famille ou un proche.

  La réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que le contribuable puisse bénéficier du crédit d’impôt au titre des prestations de service assurées par un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré, et dont cette indemnité aura permis la prise en charge ».

A première vue, la haute juridiction administrative semble donc considérer qu’il n’y a pas lieu de déduire de l’indemnité accordée au titre de l’assistance par une tierce personne, du crédit d’impôt à l’avenir.

Elle indique cependant que, dans ces conditions, il ne sera pas possible à la victime de solliciter ce crédit d’impôt en cas d’appel à un prestataire ou une personne rémunérée.

En pratique, cette solution promet des difficultés à l’avenir :

- Dans quelles conditions l’Administration fiscale pourra-t-elle refuser un crédit d’impôt pour usage d’un prestataire rémunéré ?

- Va-t-elle aller jusqu’à poser la question de l’origine des fonds servant à rémunérer la tierce personne ?

- Quelle sera la position de l’Administration fiscale et du Conseil d’Etat, lorsque l’indemnisation versée au titre de la Tierce personne sera inférieure au coût réellement supporté ?

On imagine d’ores et déjà les difficultés pratiques d’une telle décision.

Quoi qu’il en soit, dans l’attendu suivant, le Conseil d’Etat estime qu’il en va, en revanche, différemment concernant les frais d’assistance par une tierce personne exposée antérieurement à sa décision, pour lesquels il appartiendra au Juge « de déduire, au besoin d’office, au même titre que les prestations mentionnées au point 2, le montant de l’avantage fiscal perçu ».

Cette décision nous semble contestable à plus d'un titre, et l'on peut craindre d'importantes difficultés pratiques dans sa mise en oeuvre...

  • CE, 5ème et 6ème chambres, 30 septembre 2022, n° 460620

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046361792?init=true&page=1&query=CE%2C+5%C3%A8me+et+6%C3%A8me+chambres%2C+30+septembre+2022%2C+n%C2%B0+460620&searchField=ALL&tab_selection=all 

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